Les histoires

Vivre Son Rêve À Chamonix-Mont-Blanc

Vivre son rêve demande beaucoup de détermination. C’est exactement ce que fait Peter Steltzner, artisan entrepreneur basé à Chamonix.

Alors que la plupart de nous sommes attirés par les villes pour optimiser notre potentiel dans la vie, Peter Steltzner a décidé d’aller dans le sens inverse. Il s’est installé à Chamonix, petite ville des Alpes de Savoie devenue la Mecque des alpinistes et des adeptes du hors-piste. Sa passion pour les montagnes a changé le fabricant de mobilier hautement qualifié à Paris en artisan de skis de luxe dans les Alpes. L’entrepreneur a établi son entreprise dans une scierie du 17e siècle pour produire des skis ultra-performants faits main. Mais vivre ce genre de rêve implique des défis un peu hors du commun, dit ce charismatique Californien d’origine dans son formidable atelier.

En entrant dans le petit bâtiment un peu quelconque d’un étage sur la route des Praz, un coup d’œil dans la salle vous en met plein la vue : toute une série de skis en bois magnifiquement ouvragés sont parfaitement alignés contre le mur. Chacun porte une plaque avec son logo-signature en relief, un lapin sur des skis : une petite touche d’ironie qui donne le ton dans ce secteur compétitif où les grands comme Rossignol et autres marques populaires indépendantes telles que Black Crows sont leaders du marché.

Vêtu de chaudes couches de polaire, Peter ponce une paire d’« outils de montagne », comme il les appelle. L’application météo sur notre iPhone affiche zéro degré et le petit radiateur sous l’établi du menuisier est loin d’être assez puissant pour chauffer le vieux bâtiment. Il se situe sur l’ancien lit de la rivière qui coulait juste en dessous et alimentait l’ancienne scierie. À des températures glaciales, Steltzner trime dur mais manifeste une conviction motivée par la passion et qu’on lui envie.

Ici, je peux aller faire du ski, de la randonnée, de l’escalade, puis rentrer travailler quelques heures plus tard dans la soirée

La propriété a été un coup de foudre. « La première fois que je suis venu ici, je venais à peine de passer le seuil de la porte que je me suis dit : « je peux le faire », raconte-t-il. En quelques mois, il délocalisait tout son atelier de Paris dans quelques camions. C’était il y a cinq ans et il n’a jamais regretté sa décision, savourant le plaisir d’être maître de son temps et de son artisanat, loin du stress de la vie urbaine.

« Ici, je peux aller faire du ski, de la randonnée, de l’escalade, puis rentrer travailler quelques heures plus tard dans la soirée. » Il aime par-dessus tout l’ambiance optimiste qui règne à Chamonix. « Tout le monde est de bonne humeur, » dit-il, surtout en revenant de la montagne.

En créant des choses qui ont une âme, nous allons au-delà du concept de consommation

Artisanat, attitude et un peu de magie

Si adapter son mode de vie à sa passion peut être considéré comme une forme de luxe, cela se reflète merveilleusement bien dans les superbes skis en bois de Peter Steltzner. « Je pense que les gens sont intrigués par l’idée de prendre des matériaux traditionnels pour les utiliser de façon moderne », explique-t-il. « En créant des choses qui ont une âme, nous allons au-delà du concept de consommation. » Sa philosophie joliment formulée, sans doute un autre vestige de sa vie dans la banlieue parisienne bohème de Montreuil, correspond à celle de ses produits. Pour lui, créer un lien affectif avec l’objet est important.
Revenant sur sa récente exposition au Palais de Tokyo à Paris, il dit qu’il est satisfaisant de constater que ses skis sont du plus bel effet à côté des bagages de marque Louis Vuitton. Et c’est précisément à ce niveau de clientèle que Peter Steltzner s’adresse.

Au moment où nous parlons de ses clients et de leurs désirs, un médecin polonais retraité venu des États-Unis entre dans le magasin. « C’est le meilleur ici », proclame t-il. « Et ce gars fait de la magie. » Durant cette rencontre, il devient évident que Steltzner apprécie autant la passion de son client pour le ski, que celui-ci apprécie sa passion et son artisanat.

Une vie d’entrepreneur alpin

La vie dans les montagnes exige une adaptation constante et ceci représente de véritables défis pour Peter Steltzner.
« C’est un vieux bâtiment et il y a toujours quelque chose à réparer, mais ça fait partie du mode de vie d’un artisan tel que je le vis depuis de nombreuses années. Cette vie n’est pas facile, mais elle est agréable. » Même face à la concurrence forte dans le secteur, il parvient à se développer progressivement. « Gagner de l’argent avec une entreprise de fabrication de ski est très difficile, nous nous sentons par conséquent très chanceux de pouvoir en vivre », dit Steltzner.

Une chose est certaine à propos de Peter Steltzner : il n’a pas peur de se lancer dans l’inconnu. « C’est un peu comme vivre au bord du gouffre » et c’est ce qui le pousse à continuer, d’autant plus que la vie dans les Alpes demande de l’imagination. « Si c’était quelque chose de vraiment facile, où je recevais un salaire fixe à la fin du mois, je serais probablement mort d’ennui. »

Il est venu ici parce qu’il a choisi une qualité de vie différente et pour être plus près des montagnes. Chamonix attire des alpinistes passionnés et des gens de la montagne du monde entier. On lui demande souvent ce qu’un Californien fait dans les Alpes. Sa réponse est simple : « Grandir à proximité de la Silicon Valley où votre valeur est directement liée à votre revenu est une mentalité qui n’a pas vraiment d’intérêt à mes yeux. » 

Quand on voit Peter en haut de l’Aiguille du midi avec des amis, prêt à chausser sa propre paire de « lapins » pour une descente hors-piste, on réalise qu’ endurer quelques difficultés pour suivre ses rêves en vaut vraiment la peine.

Texte: Sandra Pfeifer
Photos: David Payr // friendship.is

24 octobre 2016

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