Musique Au Sommet
Avez-vous déjà écouté du jazz en live à 2 000 m au-dessus du niveau de la mer ? Le Cosmojazz festival de Chamonix est une expérience hallucinante.
Avec leur paysage à vous couper le souffle, les montagnes de Chamonix-Mont-Blanc sont célèbres pour les alpinistes, randonneurs et skieurs qui la courtisent tout au long de l’année. Récemment, ce sont des musiciens de jazz du Mali à l’Amérique qui ont échangé les boîtes de nuit des villes pour des scènes de fortune à haute altitude au Cosmojazz festival. Ce qu’on entend par scènes de fortune, c’est qu’elles sont proches du glacier ou de la si spectaculaire montagne du Brévent qui offrent une acoustique naturelle idéale pour des sessions acoustiques à vous donner la chair de poule !
Imaginez une belle journée d’été dans les Alpes françaises, une douce brise vous caresse la peau alors que le son d’un live de jazz fantastique rebondit sur les immenses parois de la montagne. Vous vous sentez tellement présent dans l’instant que vous en oubliez presque votre travail ou votre vie vers lesquels il vous faudra pourtant retourner.
L’événement, qui s’étale sur 8 jours de la fin juillet à début août, se déroule sur sept sites étonnants en plein air en haute altitude avec un concert par jour dans un lieu particulier, et c’est sans doute ce qui ajoute à son attrait : « Un jour, vous serez assis sur des rochers, le lendemain vous serez étendu dans l’herbe moelleuse avec vue sur la vallée, loin de la ville », dit l’initiateur André Manoukian, lui-même compositeur et musicien passionné de jazz. C’est un véritable délice pour les sens, chaque coin de nature fournissant une toile de fond et un cadre acoustique incroyables pour un spectacle merveilleusement beau.
« L’impression d’être tout petit dans le bon sens du terme »
La montée à pied vers ses sites de concert incroyables révèle le charme et la fascination de Chamonix-Mont-Blanc à partir de perspectives différentes mais toutes plus fascinantes les unes que les autres : que vous preniez le train du Montenvers pour la Mer de Glace ou que vous grimpiez de Lognan jusqu’au Glacier d'Argentière aux Grands Montets. Les jours de concert, c'est déjà un spectacle impressionnant de voir soudain affluer de toutes parts plusieurs milliers de personnes. Vêtues de tenues fluo imperméables, on dirait de drôles de chèvres en liberté sur les verts alpages, toutes impatientes de plonger dans un bain sonore alpin.
Beaucoup apprécient le festival pour son ambiance détendue où chacun n’apporte que le minimum d’équipement, rendant l’expérience d’autant plus authentique. « C’est un festival particulièrement sain, parce que vous n’avez besoin de rien d’autre. Vous avez la montagne, de la musique vraiment bonne et tout le monde se retrouve dans cette atmosphère naturelle et joyeuse », explique Nina Loxton, Chamoniarde de souche qui vit en Australie avec son compagnon.
Pour les musiciens, jouer à haute altitude est excitant et représente en même temps un défi. « Ça a définitivement été le concert le plus élevé que nous ayons donné en montagne. Nous n’avons jamais joué dans un cadre pareil auparavant et tout était vraiment très relax », voici comment les membres du groupe Moriarty décrivent leur expérience de scène près d’un glacier. « Le décor est gigantesque ici et vous donne l’impression d’être tout petit dans le bon sens du terme... »
Les sons exaltants des Alpes
Bien que le style de musique soit variée et inclue du jazz africain du Mali, du jazz latino ou encore des pianistes classiques, des clarinettistes ou des accordéonistes, tout convient parfaitement dans cet environnement montagneux. « L’idée est de jouer dans les montagnes un jazz ethnique réjouissant », explique André Manoukian. « Ça ne fonctionnerait pas aussi bien si on faisait du bebop, un type de jazz rapide improvisé qui dégage une tout autre énergie. » L’idée de lier musique et montagne l’a toujours habité. « Chaque fois que je suis venu ici, je me suis toujours demandé quel son pourrait avoir un saxophone dans ce contexte. »
Lors de la première édition, il a convié un joueur de flûte népalais au Lac Blanc. 500 personnes ont marché trois heures jusqu’à Flégère. « Le Mont Blanc se reflétait dans le lac et c’était tout simplement incroyable », se souvient M. Manoukian.
Ce qui ajoute à l’excitation, c’est lorsque vous êtes assis près du glacier, de temps en temps un morceau se détache en grondant. « Nous faisions une pause au milieu de notre ballade qui parle d’une mort brutale et nous avons entendu ce bruit sourd... Nous avons alors pensé que nous avions peut-être joué trop fort », se rappelle Zim Moriarty (Stephan Zimmerli) à propos de leur concert. « Ce fut une drôle de coïncidence. » Pour plaisanter, M. Manoukian dit que c’est Dieu qui a applaudi. Mais peut-être envoie-t-Il simplement un petit rappel pour qu’on prenne mieux soin de la nature ?
« Mon concert favori a été au Brévent », dit Nina Loxton. « Il n’avaient pas de sono et ne se fiaient qu’à l’acoustique des montagnes. Cela rendait tout si confidentiel. » « Nous étions assis sur une colline, à 30 mètres des musiciens », ajoute son partenaire Olivier Drouillon, également musicien, « et le son des clarinettes et de l’accordéon de ces gars rebondissait littéralement sur cette paroi monumentale, directement renvoyé vers chaque spectateur. C’était génial. »
Texte: Sandra Pfeifer
Photos: David Payr // friendship.is
24 octobre 2016