Mont Blanc, Mon Amour
L’espace Tairraz, musée alpin de Chamonix, est le lieu de notre double rencontre avec Christian Mollier : une fois il apparaît en personne et une seconde fois sous forme d’un grand portrait photo qui fait partie de la galerie des alpinistes reconnus de la région. Beaucoup d’entre eux ne sont plus en vie, nous raconte-t-il. Lui-même – guide de montagne, moniteur de ski, ex-enseignant, auteur de plusieurs livres – aime toujours faire de l’escalade de temps en temps.
Christian Mollier porte sa tenue bien conservée de guide de montagne : chaussures en cuir, jambières en laine, knickers et veste assorties aux couleurs sombres. La même tenue qui lui a probablement servi à guider ses hôtes sur le sommet du Mont Blanc il y a des décennies. « J’ai fait le Mont Blanc 71 fois, je l’ai grimpé par six routes différentes. Je le connais presque par cœur » nous dit l’alpiniste originaire de Chamonix. Il a commencé l’escalade en tant que petit garçon, ravi par les histoires que lui racontait son père sur les montagnes, guide alpin lui aussi. A l’âge de 17 ans, il a fait ses débuts comme guide et l’est resté toute sa vie.
Sois humble, reste curieux et n’arrête pas de t’émerveiller
« J’ai toujours eu de la chance. Je ne sais pas pourquoi, je ne suis pas plus prudent que les autres. Pourtant je suis attentif. Ce qui importe, c’est d’être humble, de rester curieux et de ne pas perdre sa capacité de s’émerveiller. Et c’est ce que je sais faire, » nous raconte Christian Mollier qui a appris tout ce qu’il fallait savoir pour se débrouiller en montagne grâce à son père. « C’est lui qui m’a instruit sur les risques et m’a montré les endroits à éviter. On développe un certain sens du danger et souvent on sait tout simplement que quelque chose ne va pas. J’ai connu des guides qui n’ont pas réagi à une situation dangereuse – beaucoup d’entre eux sont morts. » Christian Mollier a toujours montré beaucoup de respect pour la montagne. Est-ce peut-être la raison pourquoi il en est toujours rentré sain et sauf ? Il a néanmoins dû faire connaissance du côté sinistre des montagnes lui aussi.
« Je partirais très tôt pour entendre les oiseaux chanter. Avec un peu de chance, je trouverais des aroles se dessinant sur le blanc du glacier. (…) Ma capacité de m’émerveiller ne s’est pas estompée avec l’âge, tout au contraire. »
Le drame du téléphérique de la Vallée Blanche
29 août 1961 : Christian Mollier a 21 ans, sa cliente italienne passe une journée merveilleuse avec lui dans la Vallée Blanche depuis l’aube. Ils montent dans une cabine du téléphérique entre la Pointe Helbronner à 3 466 mètres et l’Aiguille du Midi à 3 778 mètres d’altitude pour admirer le panorama qui sur ces cinq kilomètres est littéralement vertigineux. Et puis la catastrophe : Un avion des forces aériennes françaises sort de sa trajectoire (« le pilote a dû vouloir passer en-dessous mais il n’avait pas assez de place » soupçonne Christian Mollier) et coupe le câble de traction du téléphérique en deux. S’ensuit une courageuse action de sauvetage de sa part que les journaux décriront plus tard comme « performance héroïque unique » et durant laquelle Christian Mollier arrive à se libérer lui et sa cliente de la cabine. Six personnes dans deux autres cabines meurent sur place. Dans son livre « Une vie à gravir », Mollier qualifiera de force majeure le fait d’avoir survécu à cette tragédie avec sa cliente : « Un simple concours heureux des circonstances nous a sauvés nous et condamné les autres. »
Malgré cet événement traumatique, Christian Mollier ne cessera pas d’aimer la montagne. « Malheureusement, ce dont on se souvient le plus, ce sont les tragédies. Mais j’ai aussi vécu de très beaux moments en montagne » dit-il en se référant à ses expériences en matière d’escalade et de nature qu’il vivait à l’époque et qu’il vit aujourd’hui : « Je partirais très tôt pour entendre les oiseaux chanter. Avec un peu de chance, je trouverais des aroles se dessinant sur le blanc du glacier. (…) Ma capacité de m’émerveiller ne s’est pas estompée avec l’âge, tout au contraire. »
Christian Mollier a passé beaucoup de temps à la découverte d’autres montagnes. Ayant participé à l’expédition française sur le Mont Everest en 1974, il a grimpé les sommets les plus hauts des Andes au Pérou et rempli des livres de ses expériences en montagne. Pour lui, aucune autre vie ne serait pensable, sinon celle qu’il a vécue ici en pleine harmonie avec la montagne : « Notre planète est merveilleuse partout, mais quoique je fasse : je reviendrai toujours vers la montagne. »
Texte: Martha Miklin // friendship.is
Photos: Heiko Mandl // friendship.is
16 août 2017