Les histoires

L’Histoire Des Livres Rouges

…. une histoire d’amour: pour la montagne, pour les livres - et entre deux personnes.

« Désolée, mais l’histoire des Editions est celle de mon mari, non la mienne », dit Marie-Christine Guérin lors de notre rendez-vous au magasin le plus rouge de Chamonix, la Boutique Guérin. « C’est Michel qui a fondé la maison d’édition. C’est lui qui a eu l’idée des livres rouges. Et tout ce qu’on peut dire de lui, je le dis dans mon livre », dit-elle en résumant les 232 pages qu’elle a écrites pour exprimer tout ce qu’elle avait sur le cœur, lorsque son mari était mort d’une crise cardiaque en 2007 : « Son absence était insupportable, il m’était impossible de croire ou de comprendre. La seule chose que je supportais, c’était d’écrire. En racontant son histoire, j’échappais à la tristesse et j’avais envie de reconquérir le rire. Car ce n’est pas un livre triste, après tout » dit l’ex-éditrice qui, après la mort de Michel, a choisi de continuer l’affaire – pour l’instant. Quelques années après, elle a fini par la vendre.

Aujourd’hui, les Editions Guérin font partie du groupe éditeur Paulsen. Marie-Christine Guérin n’est plus la doyenne de la littérature alpine rouge, qu’elle  fut aux côtés de son mari. Aujourd’hui, elle s’occupe de la collection « Démarches », histoires d’aventure au sens le plus large, écrites à la première personne. Elle est tantôt à Chamonix, tantôt à Paris.

Paris, sa patrie à elle.

Là où elle observait tous les jours, depuis la fenêtre de l’agence de publicité qu’elle gérait avec Michel, les élèves coiffés de la traditionnelle kippa juive : « Les képis sortaient régulièrement. (…) Ils battaient le rythme de nos jours, tels de petites horloges », écrit-elle dans son livre intitulé « Des violons pour Monsieur Ingres ». Pendant dix ans, ils vont développer des idées dans les locaux de l’agence au centre du Marais, quartier juif populaire, peaufiner des présentations et inventer des campagnes pour leurs grands clients : fabricants de voitures, entreprises pharmaceutiques, avocats … Finalement, ils vendront leur entreprise à une agence internationale qui avait repris leur client principal. Michel s’est fait reprendre aussi, mais il n’est resté qu’un an, « il avait toujours été patron et s’est soudainement retrouvé au sein d’une hiérarchie, aussi  amicale qu’elle était.», écrit Marie-Christine Guérin dans son livre. En 1994, ils décident de laisser la publicité derrière eux et de déménager à Chamonix.

Chamonix, sa patrie à lui.

L’endroit de son enfance où il fait ses premiers pas, apprend l’escalade, où il commence à aimer la montagne et à vivre cet amour. Plus tard, un deuxième amour viendra s’ajouter au premier : les livres. « Tu lis tout le temps. Même en discutant, tu as toujours un livre ou une revue sous la main. (…) La lecture a toujours été ton espace, ton souffle », voilà comment Marie-Christine Guérin décrit l’amour de son mari pour la littérature. Pourquoi ne pas fonder sa propre maison d’édition ? « Michel aimait la montagne plus que toute autre chose et il était passionné par les livres. C’est de ces deux passions que les Editions Guérin sont nées », nous raconte-t-elle. Quitter la capitale n’était pas un problème pour elle, au contraire : elle était très contente parce que cela lui facilitait la vie, les choses étaient beaucoup plus simples qu’à Paris, surtout avec les enfants qu’ils avaient adoptés récemment. Et voilà comment Chamonix devient aussi sa patrie à elle – et la patrie des livres rouges.

Pourquoi des livres rouges ?

« Le rouge est la couleur que la plupart des gens associent à la montagne. Les cordes des grimpeurs sont rouges, tout comme les sacs à dos et les vestes des alpinistes, ou encore les rideaux dans les refuges. Mais le rouge symbolise aussi la passion que les gens ressentent pour la montagne », nous dit Christine Guérin. Le premier livre était une réédition illustrée des « Conquérants de l’inutile », l’autobiographie du grand alpiniste français Lionel Terray, un classique de la littérature montagnarde. Dans les vingt ans à venir, les Editions retravailleront et éditeront plus de 130 livres et d’ouvrages illustrés, parmi lesquels beaucoup de textes autobiographiques, mais aussi de la fiction. Ce qui fascine les lecteurs, ce sont, entre autres, les similitudes qu’ils retrouvent dans leur vie « normale », estime Marie-Christine Guérin : « Il s’agit du bonheur d’être dans la nature, de la découvrir et de se dépasser soi-même, tout ce qu’il faut faire dans sa propre vie, après tout. »

Se libérer, voilà ce que Marie-Christine Guérin a dû faire après la mort de son mari, mais elle a continué sur son chemin, tout en restant fidèle à une passion de Michel : la parole écrite. Elle a probablement raison en disant que l’histoire des Editions Guérin n’est pas la sienne. Mais sans elle, les Editions n’auraient probablement jamais existées. Peut-être que l’histoire leur appartient à tous les deux ?

Edition Guerin

Texte: Martha Miklin // friendship.is
Photos: Heiko Mandl // friendship.is

9 mars 2017

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