Les histoires

Chez Le Pâtissier Derrière La Mer De Glace

Chez le pâtissier derrière la Mer de glace. Dans son refuge à 2 200 mètres d’altitude, Claude fait les meilleurs gâteaux de la région.

Chez le pâtissier derrière la Mer de glace

Les tartes de Claude sont à ne pas manquer, écrit un utilisateur sur Tripadvisor, site d’avis de voyageurs. Elles seraient les plus célèbres de la vallée. Une vraie source d’énergie pour les randonneurs fatigués, tel le commentaire d’un autre. Claude, c’est le patron du refuge près du Plan de l’Aiguille, gare intérimaire du téléphérique. Il produit des gâteaux depuis des décennies et depuis neuf ans, à une altitude de 2 200 mètres.

Il y a un écho remarquable là-haut, au centre de la Mer de Glace : le glacier le plus long de France est l’une des destinations de randonnée les plus populaires autour de Chamonix. On n’y est jamais seul, mais les visiteurs se dispersent vite dans cette zone montagnarde. A quelques pas du chemin seulement, on retrouve le paysage rocheux. On n’y entend que le bruit de ses propres pas, le cri des oiseaux et le glacier qui diminue et diminue : la glace se transforme en eau et l’on entend l’harmonieux glouglou de l’eau qui descend vers la vallée.

On fait une petite pause au milieu des rochers pour contempler le panorama époustouflant, observer les oiseaux, ressentir les vieux rochers sous nos pieds, pour boire de l’eau et écouter la glace fondre. Une fin d’après-midi en août : Il y a quelques heures, on était chez Claude au refuge. A manger et à boire … On n’a pas l’habitude de boire du vin à midi, surtout pas sous un soleil qui tape aussi fort cette après-midi estivale que l’on dirait juillet, et on en ressent les effets.

Rétrospective : Il est 11 heures. On descend de la cabine du téléphérique qui, en quelques minutes seulement, nous a transportés de la station en vallée de Chamonix jusqu’à la gare intermédiaire. Après une brève descente, on croise un âne qui, debout, ne fait que regarder devant soi et mâcher. C’est tout ce qu’ils font, lui et son compagnon qui est absent pour le moment, nous explique-t-on : les ânes ne sont là que pour la déco nous racontera Claude. Il les a repris après son frère.

Une fois arrivés au refuge, on tombe sur une douillette boule de fourrure. Boule, c’est le nom du berger noir et blanc qui n’est là que pour jouer et manger. Il est content de nous voir, tout comme le reste des clients du refuge. Sa manière de nous dire bonjour est quelque peu excessive, il semble ignorer que sa taille et son poids nous inspirent le respect. Si Boule approche les clients d’une manière tout à fait enthousiasmée, son maître Claude, patron du refuge à quarante lits près de la gare intermédiaire, préfère rester à l’arrière-plan. Il est là depuis neuf ans, à 2 207 mètres d’altitude, avec l’aide de Marie-Noëlle, sa partenaire d’affaires qui s’occupe de l’administration, du transport des marchandises et des finances. « J’avais toujours rêvé de gérer un refuge » raconte-t-il. Claude se sent bien à l’aise ici en hauteur. Il aime la fraîcheur, la vue sur la ville, les « couchers de soleil merveilleux. »

Il vit aussi sa passion en cuisine, la pâtisserie. Dans la salle arrière du refuge, il y a une grande table sur laquelle Claude présente les tartes les plus variées, décorées de pommes dorées, d’une crème de citrons d’un jaune délicat ou de myrtilles violettes bien mûres : la « spécialité de la région » nous dit Claude qui pendant 25 ans avait fait ses tartes « en bas à Chamonix » et, un jour, en a eu un peu marre. Avant de reprendre le refuge, il était quelques kilomètres à vol d’oiseau plus haut, au Refuge des cosmiques qui était surtout fréquenté des alpinistes du Mont-Blanc. C’est donc sans problème qu’il s’est acclimaté – « j’ai l’habitude des hauteurs » nous dit-il.

Si les tartes sont bien la spécialité de Claude, son menu comprend d’autres plats locaux : rôti d’agneau, polenta, fromage. « Ma cuisine est traditionnelle et typiquement savoyarde » nous explique-t-il. Les aliments et les autres marchandises dont il a besoin en hauteur lui sont livrés en hélicoptère ou en téléphérique. « Seule l’eau est rare, on fait fondre de la neige pour l’obtenir. »

Rouge et blanc, cette combinaison domine sur les deux terrasses devant le refuge et que le patron a décorées avec soin. Ce sont les couleurs du département Haute-Savoie où l’on se trouve, installés sur des peaux de mouton blancs sous des parasols rouge cerise. Ils protègent du soleil les convives ainsi que le chien et le vin. Aucun bruit ne nous dérange. De temps en temps, on entend le ronron du téléphérique à l’arrière-plan. « J’adore le silence » nous dit Claude, « surtout en début de saison, il est très calme ici … ». En haute-saison, le silence aura disparu, mais même si le patron est occupé, le stress est moindre qu’en ville. « Les gens sont plus relax ici » nous dit-il. Claude a un air décontracté lui-même, il semble content. Se contenter des choses qui nous entourent, voilà sa philosophie, une modestie qui n’est pas jouée. Elle s’accompagne d’une hospitalité honnête, conditions parfaites pour une vie de patron de refuge.

Lorsqu’on salue Claude, Marie-Noëlle, les employés et Boule après un menu à trois plats, couronné d’une tarte aux myrtilles, on a bien deux heures et demie de chemin devant nous, qui deviendront trois à la fin. La route passe à travers la Mer de Glace où l’on entend le ruissellement de l’eau de fonte, où l’on écoute le silence dans les rochers à quelques pas du chemin qui nous ramène à Chamonix.

Refuge du Plan de l'Aiguille

Texte: Martha Miklin // friendship.is
Photos: Florian Lechner // friendship.is

21 août 2017

Lire les histoires