Les histoires

S’Évader Avec Des Chiens

« Nous sommes comme une grande famille », dit Jonathan Nachon, musher et propriétaire de 30 chiens.

« Une vie sans chien est une erreur », a déclaré l’écrivain allemand Carl Zuckmayer. « Une vie sans chien serait possible, mais dépourvue de sens », a dit l’acteur allemand Heinz Rühmann. Le philosophe Arthur Schopenhauser qui, au lieu d’une femme, avait toujours un caniche à ses côtés, est fréquemment cité avec la phrase : « Qui n’a jamais eu de chien, ne sait pas ce que signifie aimer ou être aimé. » Le chien a toujours été le meilleur ami de l’homme.

Parfois, ils sont plusieurs à être les meilleurs amis de l’homme, comme dans le cas de Jonathan Nacho de Praz-sur-Arly près de Megève. Le musher conduit son traineau avec 8 à 14 chiens, en fonction du nombre de passagers et de la qualité de neige qu’il rencontre. Au total, Nacho (33) et sa compagne gardent une trentaine de chiens. « Nous sommes comme une grande famille : les chiens sont nos bébés, la plupart d’entre eux sont chez-nous depuis leur naissance, » nous dit le musher, conducteur de traineau depuis huit ans et qui a besoin de la neige, des montagnes et du froid pour être heureux. « Je savais toujours que j’allais travailler avec les chiens. Mais lorsque j’ai vu le film ‘Antarctica’, j’ai tout de suite su que je voulais devenir musher », nous raconte Jonathan en caressant le chien de tête qu’il attache à l’attelage. Tourné en 2006, le film US américain avec Paul Walker dans un rôle principal montre un chercheur et les aventures qu’il vit dans l’antarctique avec ses chiens de traîneaux. Mais il s’agit aussi de cette relation particulière entre l’homme et son chien, si familière à Jonathan : « Il y a quelque chose entre ton chien et toi qui ne peut exister entre les hommes. C’est difficile à décrire. »

Hier, il a neigé toute la journée, aujourd’hui il reste un peu de neige compacte sur le terrain que nous allons emprunter. On va être à deux sur une sorte de matelas gonflable dans le traineau bleu, qui ressemble à un bateau en tissu, et à nous faire trainer par dix huskies sibériens et d’Alaska. Le lead dog aujourd’hui, c’est Twix, un husky d’Alaska de 9 mois seulement, dont le gémissement excité ressemble à un chant et qui fait que les gens aux alentours s’arrêtent et le regardent en rigolant. Les autres chiens semblent autant ravis de la perspective de pouvoir courir, ils aboient, remuent la queue, s’étirent et hurlent vers le ciel. « Des chiens comme Twix sont très rares, normalement les lead dogs ne sont pas aussi jeunes. Mais il est hyper-motivé et il fait un bon travail » explique Jonathan. Tous les chiens ne se prêtent pas à l’activité de lead dog. Parmi ses 30 chiens, seuls sept ou huit ont les qualités de leader nécessaires. Ce qui importe c’est non seulement la motivation de l’animal, mais aussi le fait que l’on peut compter dessus – « les chiens dominants ne servent que rarement de lead dog, car ils ne doivent pas se faire détourner par d’autres chiens qui croisent leur chemin », explique Jonathan.

Une fois tous les chiens attelés en paires, on part et Jonathan lance des commandes dans l’air froid de l’hiver. Des monosyllabes utilisés par les mushers d’Alaska : « Gee ! » pour à droite, « Haw ! » pour à gauche. Il faut beaucoup d’entraînement avant que la communication ne fonctionne et que les lead dogs ne reprennent leur travail. « D’abord on entraîne le chien à la laisse, puis on abandonne la laisse et on augmente progressivement la distance pour que le chien sache aussi quoi faire lorsqu’il est douze mètre à l’avant », nous explique Jonathan le principe. Lorsque le lead dog est bien formé à sa tâche, le travail principal est fait et la meute unifiée peut partir, mélange coloré de mâles qui contribuent en premier lieu à la force, et de femelles qui font la vitesse. Si tout va bien, car il se peut que les chiens n’aient pas envie de travailler, « c’est comme chez les humains », dit Jonathan, « mais je ne les force pas à courir. C’est d’ailleurs très rare qu’ils refusent de travailler car on leur donne tant d’amour et ils nous le rendent en nous obéissant et en courant pour nous. »

Lorsqu’on fait une petite pause, quelques-uns des chiens mordent la neige, les autres s’y vautrent. Ils ont chaud, nous explique Jonathan, mais ils ne sont pas fatigués, car un chien de traineau pourrait courir jusqu’à 50 kilomètres en continu. Le musher descend de la partie arrière du traineau et nous laisse caresser ses chiens, « ils aiment ça ». Apres trois quarts d’heure de route, il va remercier Twix, Batman, Knut et tous les autres, les tapoter, les dételer et leur donner à boire. Il sera observé par les gens qui passent et qui lui demanderont l’horaire des sorties en traineau ou la permission de prendre les chiens en photo.

Les clients de Jonathan sont des adultes, des enfants, des couples et des retraités, « tous ceux qui aiment les chiens et une belle expérience », dit le musher. Il y a quelques mois seulement, l’actrice britannique Emma Thompson était là en famille, pour essayer le « cani-rondo », une randonnée en montagne avec les chiens, activité que Jonathan propose en été avec ses animaux. « Je pense que les chiens nordiques fascinent les gens parce qu’ils les inspirent. Ils leurs rappellent un peu les loups, les pays sauvages. En route avec eux, vous arrêtez de penser et vous vous détendez complètement », dit Jonathan. Il est bien probable qu’il partage les idées de Carl Zuckmayer, Heinz Rühmann et Arthur Schopenhauer. C’est un fou des chiens, tout simplement.

Evolution 2 Megève

Text: Martha Miklin // friendship.is
Photos: Heiko Mandl // friendship.is

13 avril 2016

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