Le Pouvoir De Guérison Des Montagnes
Crans-Montana a toujours été une station de convalescence populaire. Tout a commencé il y a 125 ans – à la suite de la construction d’un premier hôtel, l’Hôtel du Parc, par Louis Antille et Michel Zufferey en 1893. Puis, avec l'engagement d'un médecin qui a logé «ses» patients ici pour qu'ils se rétablissent en 1897. Il a également joué un rôle décisif afin que Crans-Montana devienne une destination touristique.
Ceux qui séjournent aujourd'hui à l’Hôtel du Parc de Crans-Montana, situé entre deux lacs de montagne scintillants, dorment dans des chambres chargées d'histoire. Dans beaucoup d'entre-elles, se sont rétablies il y a 125 ans des personnes atteintes de tuberculose, qui venaient ici à cause de l’air sain. Tous étaient les patients d'un médecin genevois qui avait découvert le potentiel de guérison du climat de Crans-Montana: le Dr Thédore Stephani. Cet endroit lui doit beaucoup.
«Cela fait maintenant dix ans que j’essaie de savoir pourquoi le Dr Stephani est venu à Crans-Montana», explique l'historienne Sylvie Doriot Galofaro. Son domaine de prédilection: l'histoire culturelle du lieu. Il n'est pas surprenant que le médecin ait choisi cet endroit de la Suisse romande, situé à 1500 mètres d'altitude et entouré d'innombrables montagnes. «Ce qui l'a convaincu de rester, est en tout cas, le climat. Il n'est pas particulièrement humide et est très ensoleillé. Ce sont des conditions idéales pour les patients pulmonaires», dit l'historienne. En effet, Crans-Montana est un endroit paré de nombreuses heures de soleil. Une vaste étude scientifique a montré qu'il y a en fait 2300 heures par an. Les cinq petits lacs que l’on peut découvrir depuis la colline du parc ont également contribués à ce que l’on aime cet endroit. «Et bien sûr, la paix et la beauté des montagnes jouent aussi un rôle important dans la guérison», dit Sylvie Doriot Galofaro. Autrefois comme aujourd'hui.
Le premier sanatorium
Mais revenons à l’Hôtel du Parc. Pendant un certain temps, tout s'est bien passé avec les malades dans une partie de l'hôtel et les touristes dans l'autre. Mais la tuberculose, qui heureusement n'existe presque plus aujourd'hui, était une maladie très contagieuse. Et ceux qui venaient en vacances ne voulaient pas rentrer chez eux malades. Il a donc fallu opter pour une autre solution. Et elle fut trouvée près d’ici: c’est en 1899, que le Dr Stephani construisit le premier sanatorium sous le nom retentissant de Beauregard, où aujourd’hui les patients atteints de maladies neurologiques, oncologiques ou internes séjournent pour une rééducation à la clinique bernoise. «L'architecture du bâtiment était déjà très avancée à l'époque. Il n'y avait ni tapis ni rideaux pour empêcher les microbes de se multiplier rapidement», dit l'historienne. L'architecture typique des sanatoriums suisses de l'époque comprenait également des éléments tels qu'une galerie, une véranda et une loggia, où les patients pouvaient prendre un bon bol d’air frais et avoir une belle vue sur les montagnes.
1300 photographies du passé
Quand elle parle, son regard scintille, et l’on devine presque la cause de ce qui la pousse à traiter ce sujet depuis des années et des décennies. En première page de son livre «Une histoire culturelle de Crans-Montana (1896 - 2016)», la citation de Victor Hugo, le grand écrivain français, dit judicieusement: «Le souvenir, c’est la présence invisible». Rendre le passé visible est certainement une tâche honorable. Et c'est aussi passionnant: le travail d'un historien ressemble souvent à celui d'un détective qui assemble les pièces d'un puzzle pour en faire une image cohérente. Lorsque Sylvie Doriot Galofaro reçut les 1300 pièces de ce casse-tête, elle n’eut que d'autre choix travailler le sujet pièce par pièce. Il s'agissait des 1300 photographies de Crans-Montana prises par le Dr Stephani. C'est à partir de ces dernières qu'elle a reconstitué l'histoire du lieu pour constater: «Les sujets de la santé et du tourisme sont étroitement liés».
Crans-Montana devient la perle des Alpes
«Le Dr Stephani était non seulement un médecin, mais également un passionné d'art et un skieur enthousiaste», explique-t-elle. Mais il n'avait pas le don de l'argent: bientôt le sanatorium fit faillite et il le vendit à des Anglais qui en firent un hôtel de luxe. Ce qui, à première vue, ressemble à une défaite, eut aussi son bon côté. Ce sont les Anglais qui firent de Crans-Montana une destination touristique populaire. «Ils ont apporté les sports d'hiver et le golf ici», dit l'historienne. M. Stephani s'est également intégré au concept et s'est de plus en plus impliqué dans le tourisme. Ainsi en prenant des photographies, qui se sont retrouvées plus tard entre les mains de Sylvie Doriot Galofaro. C’est grâce à elles que de nombreux artistes intéressants sont venus visiter la petite ville. Le peintre suisse Ferdinand Hodler a rendu visite à son fils, tuberculeux, et a peint une douzaine de tableaux de lacs. Ou bien la célèbre écrivaine néo-zélandaise Katherine Mansfield, qui a été soignée par le Dr Stephani et qui a écrit par ailleurs ses «Montana Stories». Tout cela a contribué à ce que Crans-Montana reçoive le joli surnom de «Perle des Alpes» dans les années 1920.
Entre-temps, le Dr Stephani fit construire deux autres sanatoriums : la Clinique de Genève et un qui portera son nom. Mais, comme le Beauregard, ils ne survécurent pas non plus. Non de sa faute, mais aussi une conséquence des guerres mondiales. Néanmoins le Dr Stephani travaillait toujours comme médecin. «Il était vraiment une personne incroyable, et ne s'est jamais découragé», dit Sylvie Doriot Galofaro. En pensant à lui, c’est le personnage du docteur Krokowski dans « La Montagne magique » ou Zauberberg de Thomas Mann qui lui vient à l’esprit, dit l'historienne. Lui aussi, il avait toujours ses patients autour de lui. Et l'histoire s'est également déroulée en Suisse, à Davos.
Aujourd'hui, outre la Berner Klinik (Clinique Bernoise), qui porte ce nom car elle a été acquise par le canton de Berne en 1929 après la crise économique mondiale, il existe trois autres cliniques à Crans-Montana. Toujours considérée comme une station de convalescence, la ville est appréciée pour son terrain plat facile d’accès pour les personnes ayant des difficultés lors de marches en plein air. En tant que médecin et amoureux des Alpes Théodore Stephani a posé les bases de tout ce qui est maintenant devenue Crans-Montana. Et c’est grâce à Sylvie Doriot Galofaro que tout redevient visible. Entre-temps, elle a également pris contact avec les arrière-petits-enfants du médecin. Voyons ce qu'il y aura d'autre à découvrir.
Conseil du livre:
Sylvie Doriot Galofaro: «Une histoire culturelle de Crans-Montana (1896 - 2016)», Editions Alphil, Neuchâtel, 2017.
Text: Heiko Mandl // friendship.is
Photos: Heiko Mandl // friendship.is
3 juin 2019