Soin Et Minutie
Un vigneron valaisan relève un nouveau défi: la conversion aux méthodes biodynamiques.
Les portes menant aux caves à vin de Joël Briguet sont de couleur rouge cerise. Ici, sur la route serpentine qui mène à Crans-Montana, les vignobles s’étendent à perte de vue: avec 5000 hectares de vignobles, le Valais est la plus grande région viticole de Suisse. Les pentes sont caressées par le soleil. Et leurs propriétaires aussi, bien sûr.
Joël Briguet, propriétaire de la «Cave la Romaine», semble incroyablement détendu. En vrai expert, il sait qu'il peut faire confiance aux connaissances qu'il a acquises au fil des nombreuses années de travail. Avec son épouse, il s’est engagé dans la viticulture depuis près de trois décennies. Son père était déjà vigneron. Il a commencé avec 15°000 bouteilles par an. Aujourd'hui, ce sont 120°000, avec 23 cépages. «Le travail de la vigne est une aventure permanente», dit-il.
Le lieu où se trouvent les gros tonneaux lourds
Au moment où j'écris ce texte, je prends quelques gorgées de la Grande Réserve Syrah de 2016 et je me souviens de l'espace de vente spacieux où j’ai goûté de ce vin la première fois. Je pense à Joël Briguet et à son collègue qui m'ont parlé des particularités de ce vin rouge sec. A la cave à vin où les jus secs, demi-secs et sucrés mûrissent dans de grands fûts lourds, se tenant tous en file, un peu comme dans l'auditorium d'un théâtre.
Du côté droit de la pièce sans fenêtre, un escalier étroit mène à un loft ultra-moderne, inondé de lumière avec une imposante façade vitrée. A l'intérieur se trouve une table blanche qui semble sortir d'un vaisseau spatial. Une fenêtre dans le sol donne vue sur le vin à murir, entreposé dans la cave. La salle derrière est le bureau de Joël Briguet, tout aussi lumineux, tout aussi spacieux, sur les murs divers prix et diplômes. «Ici, c’est un véritable terrain de réflexion» pense-t-on en entrant.
«Lorsque nous vendons du vin, nous vendons aussi des images. La personne qui est venue chez nous reverra en ouvrant la bouteille, les pentes qui nous entourent, la cave, mes employés». De nombreux clients de Joël sont des clients fidèles - ou leurs enfants. Certains viennent depuis 30 ans. Aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation et de la numérisation, Joël Briguet mise plus que jamais sur un service client très personnalisé. «Mes clients veulent savoir comment leur vin est fait. Sinon, ils pourraient en acheter au supermarché.»
Le tournant vers la biodynamie
La stratégie fonctionne. Néanmoins, il est important de vivre avec son temps: Joël est confronté à un changement majeur ici, dans les vignobles de Crans-Montana, à savoir la conversion au travail agricole selon les principes de la biodynamie. «Nous procéderons étape par étape. Nous renoncerons d'abord aux insecticides, puis aux produits synthétiques pour finalement passer complètement aux principes de la biodynamie». La biodynamie, c'est comprendre le vignoble comme un organisme vivant ayant la capacité de se conserver. Cela signifie que l'intervention n'est autorisée que dans une mesure minimale et qu’il faut renoncer à tous les éléments artificiels et chimiques. «Un grand défi qui nous occupera pendant les années à venir», dit le vigneron.
Le plaisir du travail bien fait
Bien sûr, la culture du vin ne consiste pas seulement à faire des affaires et à boire. «Un vin ne devient vraiment bon que par le contexte dans lequel il est intégré», dit Joël Briguet. C'est un symbole d'amitié, de convivialité et de rencontres cultivées. Quelque chose qui relie les gens. Et que l'on partage afin de renforcer ces liens. Quelque chose qui touche notre niveau émotionnel. Le processus de production est selon lui plutôt sobre et technique: «Je me considère plus comme un travailleur consciencieux que comme quelqu'un qui agit par intuition. La chose la plus importante est le soin et la minutie avec lesquels on travaille.» Ces soins débouchent à leur tour sur des résultats satisfaisants. Joël Briguet l'appelle «le plaisir du travail bien fait». Une approche intéressante à une époque où l'on accorde souvent beaucoup plus d'importance à l'intuition qu'à ce que l'on peut apprendre. Joël Briguet aime particulièrement les différentes exigences que les saisons imposent au travail. «En hiver nous taillons la vigne, en été nous prenons soin des feuilles, puis viennent les vendanges, puis la vinification. Le travail est très polyvalent, j'aime ça.» La comptabilité ne le dérange pas non plus. Et quand on a vu son bureau, on comprend bien pourquoi.
Text: Martha Miklin // friendship.is
Photos: Heiko Mandl // friendship.is
16 novembre 2018