La Ferme De Joseph : Le Rêve De Devenir Éleveur
Joseph Socquet avait un rêve : devenir éleveur. Son rêve a mis du temps à se réaliser, mais aujourd’hui, sa ferme est une véritable aventure.
Ça fleure bon le fromage et le lait dans la boutique de la ferme de Joseph. Posté devant le comptoir de viande composé de morceaux choisis issus de sa production, on se laisse soudain distraire par le jeune museau appuyé contre l’immense vitre au fond de la pièce : c’est un petit veau qui tente ses premiers pas. Moment attendrissant. Et prise de conscience immédiate de la valeur de tous ces mets raffinés étalés devant nous.
Si on jette un œil dans l’étable de Joseph, on y dénombre 50 vaches laitières, toutes de race Abondance, estimée pour sa capacité d’adaptation et sa résistance. Cette qualité vaut aussi pour leur propriétaire : lorsque Joseph Socquet passe le seuil de l’étable, on ne dirait pas qu’il n’a dormi que 3 heures la nuit dernière : les joues roses, un charmant sourire et les yeux bleu ciel. Cette nuit courte, il la doit au veau tout juste né. Mais d’ordinaire il ne dort pas non plus beaucoup. Ses idées le tiennent éveillé. Comme l’idée fervente autrefois d’avoir un jour sa propre ferme. Et aussi un peu celle d’être un homme libre.
L’innovation à travers 500 ans de tradition paysanne
Joseph incarne le Mégevan de souche. Il est issu d’une famille de paysans établie depuis 500 ans, dans laquelle volonté (de survie) et entêtement se sont solidement ancrés au fil du temps. Grâce à elle, il possède la motivation et surtout l’endurance pour travailler à sa ferme 13 années durant car, pour réaliser son rêve, Joseph doit surmonter bien des épreuves. Maintenant, la splendide bâtisse en bois, qui comprend un restaurant, domine sur une hauteur offrant un panorama magnifique sur la commune et les montagnes alentour.
De sa fabrique de yaourt au sous-sol jusqu’à l’étable automatisée, Joseph montre qu’un peu de technologie permet de retirer bien plus encore d’une ferme. Avant tout, il s’agit de se libérer du temps pour développer des produits de la meilleure qualité qui soit. Mais aussi pour d’autres obligations, car Joseph est invité un peu partout en tant que conférencier pour raconter son métier. C’est cependant dans l’étable auprès de son troupeau qu’il semble se sentir le mieux. Il reste toutefois convaincu que l’on « doit se montrer et non rester assis dans l’étable à ne rien faire ». En d’autres mots, un peu de relations publiques ne peut pas nuire.
Savoir qui se cache derrière la marque
Tout cela semble parfaitement fonctionner : les produits, le pâté par exemple, ou le fromage, sont vendus dans les meilleures boutiques de Paris. L’affaire est florissante et les habitants de Megève sont des acheteurs reconnaissants. Des visiteurs enthousiastes viennent aussi de l’étranger, et, séduits par le concept de Joseph, souhaitent le mettre en pratique chez eux. Sa recette de la réussite est claire : garder le contrôle sur tous les processus de production de la ferme. Cela signifie également transformer les matières premières qu’il produit, au lieu de simplement vendre le lait et la viande aux industriels. Il s’est affranchi depuis longtemps de toute association paysanne. Il fait tout lui-même, ce qui lui garantit une qualité satisfaisante pour lui et plébiscitée par la commune. Mais « les gens veulent savoir qui se cache derrière la marque », selon Joseph, et il la représente avec toute sa conviction.
Savourer le rêve
« Même si tout semble rutiler ici, il faut y travailler chaque jour », dit-il. Sinon, l’éclat disparaît aussitôt. Qu’il soit dans l’étable, derrière le comptoir ou qu’il manie la machine à café dans le restaurant à l’étage supérieur, Joseph paraît maîtriser tout ce qu’il entreprend. Toujours de bonne humeur, toujours souriant. Les joies simples d’un homme qui a atteint son objectif. Il nous y laisse goûter généreusement. Tout comme de son yaourt fait maison. Ce savoir-faire aussi, Joseph se l’est appris lui-même, avec l’aide du précédent maître fromager et propriétaire de la Laiterie Gaiddon. Les résultats rêvés par Joseph fondent onctueusement sur la langue depuis les alpages de ses vaches laitières. A-t-il encore d’autres souhaits ? « Oui, des capteurs d’énergie », ricane-t-il. Il pourrait ainsi s’auto-suffire totalement. Impossible d’être plus autonome. Ou bien si, dans un des autres rêves de Joseph.
Texte: Sandra Pfeifer
Photos: David Payr // friendship.is
13 avril 2016