Les histoires

« Mon Top Model, C’Est La Montagne »

La passion de Mario Colonel pour la montagne a fait de lui l’un des meilleurs photographes montagnards du monde.

Au début, Mario Colonel faisait des études d’histoire, puis il a voulu faire guide de montagne et enfin, il a travaillé comme journaliste pour de nombreux magazines de plein-air. Plus que par chance, il est passé à la photographie et aujourd’hui, Colonel compte parmi les meilleurs photographes montagnards du monde. Il a reçu plusieurs prix, entre autres pour le plus beau livre illustré au plus grand festival du livre montagnard du monde, le Banff Mountain Book Festival. Et si l’on peut utiliser deux superlatifs en une seule phrase sur les distinctions, il n’est pas surprenant que sa galerie à Chamonix soit depuis longtemps plus qu’un bon tuyau pour les adeptes de la photographie. Dans cette entrevue, il explique pourquoi les hommes ne jouent qu’un rôle secondaire dans ses images, parle de sa passion pour la montagne et dévoile ses endroits favoris dans les Alpes.

Monsieur Colonel, vous avez une galerie très populaire à Chamonix et passez pour l’un des meilleurs photographes montagnards du monde. Quel est le secret de votre succès ?

Mario Colonel: Mise à part le côté technique et artisanal, il te faut un regard spécifique. Et tu ne l’auras que si tu es passionné par la montagne. A Chamonix, on retrouve beaucoup de gens des quatre coins du monde qui viennent justement pour partager cette passion. Si ces gens achètent une de mes images, ils emportent non seulement une photo encadrée grand format mais aussi un brin de passion.

Quand avez-vous découvert cette passion ?

Mario Colonel: Durant mon enfance à Grenoble, je n’avais guère de contact avec la montagne. Mon père était certes un homme très sportif, mais il s’intéressait plutôt au foot. A seize ans, j’ai fait la connaissance d’un garçon à l’école qui voulait devenir guide de montagne. On est devenus de vrais amis, on allait faire l’escalade et des randonnées, on passait des journées entières en montagne. Je dirais qu’il a ouvert une porte pour moi, derrière laquelle se trouvait un jardin miraculeux – et ce jardin, c’était la montagne.

Concrètement, c’est quoi pour vous la fascination des montagnes ?

Mario Colonel: C’est difficile, je ne peux pas dire exactement ce qui me fascine. Peut-être parce qu’il n’y a pas deux montagnes qui se ressemblent. Par exemple, j’ai cinq endroits favoris dans les Alpes : Cortina d’Ampezzo avec les Dolomites, Zermatt à cause du mont Cervin, St. Moritz avec son atmosphère particulière et Grindelwald à cause de l’Eiger. Et Chamonix bien-sûr. On ne peut pas comparer les montagnes de ces cinq endroits, mais à chaque fois que j’arrive à l’un de ces endroits, je suis là, complètement époustouflé. Tu le ressens tout de suite : oui, c’est ça, c’est exactement là que je veux être.

Dans le domaine du plein-air plus que dans les autres, tout ce qui compte aujourd’hui c’est le fameux « plus vite, plus haut, plus fort ». Pas mal de photographes sont constamment à la recherche d’images encore plus spectaculaires. Vos photos, par contre, paraissent calmes et réfléchies.

Mario Colonel: Les choses extrêmes ne m’intéressent pas. Les skieurs sur mes photos n’empruntent pas les pentes les plus raides. Mon objectif, c’est de montrer la beauté des montagnes, plutôt que des cascades spectaculaires. Le résultat c’est que l’observateur pense « waouh », mais en même temps, il se dit « le mec dans la photo, c’est peut-être moi-même ». Laissez-moi l’exprimer ainsi : mon ami a ouvert la porte sur les montagnes pour moi, maintenant c’est à moi de l’ouvrir pour les autres.

De toute manière, les gens sur vos photos paraissent très petits.

Mario Colonel: C’est quelque chose comme une image de marque. Le « top model » sur ma photo c’est la montagne, plutôt que l’homme. Ce que je veux montrer sur mes images, c’est comment l’homme est petit par rapport à la montagne. L’idée derrière, c’est le respect de la nature, car à mon avis, on est seulement des invités en montagne. C’est ma philosophie, mon attitude a moi. Et plus je vieillis, plus cette attitude est ancrée dans mon esprit.

Combien de nouvelles images ou de nouveaux motifs publiez-vous par an ?

Mario Colonel: Une dizaine, une vingtaine peut-être.

Une sélection très limitée donc. Comment une telle photo se crée-t-elle ?

Mario Colonel: En principe, toute image est le fruit d’une réflexion. Parfois, on me donne un tuyau, parfois l’idée vient de moi-même. Puis je réfléchis au choix concret de mon motif et à la lumière idéale, et j’attends que les conditions soient parfaites. C’est là que je prends la photo.

Au moment d’appuyer sur le déclencheur, savez-vous déjà si la photo va faire partie de la sélection ?

Mario Colonel: Oui, mais je ne saurais dire pourquoi.

www.mario-colonel.com

Interview: Matthias Köb // friendship.is
Photos: Mario Colonel; Heiko Mandl // friendship.is

13 avril 2016

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