Les histoires

Le Coutelier Du Mont Blanc

Dans les années 1960, Steve Jobs a construit son premier ordinateur dans un garage en Californie. Quatre décennies auparavant, c’était Walt Disney qui avait transformé le garage de son oncle en studio où Alice allait trembler de peur face à la reine de cœurs. Sans oublier Larry Page et Sergey Brin qui, pour leur entreprise fondée dans les années 1990, avaient aussi loué un garage pour développer leur moteur de recherche, appelé Google. La plupart du temps, les garages servent à garer les voitures, mais parfois, ils servent de tremplin.

Ce fut aussi le cas de Didier Simond. Menuisier de profession et moniteur de ski à Chamonix, il a commencé il y a huit ans à produire des couteaux en-dessous de son salon. Il n’a pourtant  ni entreprise d’envergure internationale ni réputation mondiale, mais il gagne sa vie en faisant ce qu’il aime faire le plus : des couteaux faits main, à emporter comme souvenir ou pour couper le saucisson et le fromage en pique-nique. Dans le garage de sa maison située dans un endroit calme à Chamonix, il y a assez de place pour toutes sortes d’outils, de matières premières et les pensées nécessaires à la production des couteaux, comme pour son fils Sabien (23) qui, lui aussi, s’engage pour le projet de son père.

Le couteau qui raconte une histoire

En France, les couteaux sont de tradition : les marques Opinel et Laguiole sont connues dans le monde entier. Les français aiment autant offrir des couteaux qu’en recevoir en cadeau. « Je faisais la collection de couteaux et un jour, je me suis rendu compte qu’il n’y en avait pas encore de notre région. C’est alors que j’ai eu l’idée d’en produire moi-même », nous raconte Didier Simond. Il voulait faire un couteau qu’on associe à la région de Chamonix et qui raconterait une histoire. Il a donc créé le « Chamoniard », figure de proue de l’artisan dont le catalogue comporte entretemps plusieurs variantes et bien d’autres exemplaires qu’il vend en ligne et le samedi sur le marché de Chamonix. La forme du couteau nous rappelle le sommet du Mont Blanc, la gravure pyrogravée la voie empruntée lors de la première ascension. Selon l’expérience de Didier Simond, la production requiert beaucoup de concentration et d’habileté car « si tu fais une erreur, cela se voit tout de suite ».

A la recherche du bois 

Chamoniard de naissance, Didier Simond a une relation très étroite avec le Mont Blanc. « J’ai fait le sommet moi-même plusieurs fois, mais la première ascension, c’était quand même extraordinaire. Le Mont Blanc est bien une montagne extraordinaire. » Il a travaillé lui-même comme menuisier et moniteur de ski pendant des décennies, jusqu’à ce qu’il a eu l’idée du couteau et qu’il essaie d’en produire un exemplaire : « Au début, il me fallait une journée entière pour un seul couteau. Aujourd’hui, il me faut une heure et demie. » Sa particularité ne provient non seulement de sa forme et de la gravure, mais tout aussi bien du bois lui-même : Didier Simond préfère les bois régionaux, comme l’arolle, le bois le plus léger qui existe, appelé aussi « reine des Alpes » du fait qu’on le trouve uniquement en montagne et qu’on lui attribue un effet réparateur ; ou encore l’odorant genévrier, le frêne et le pin. 

Un fût lui suffirait pour produire une trentaine de couteaux, raconte-t-il. Et il transporte les fûts lui-même de la montagne jusqu’à l’atelier : « Pour protéger la nature, on prend seulement les fûts morts ou déracinés par les avalanches. En partant, on ne sait donc jamais si on va rentrer avec du matériau ou pas. C’est assez excitant des fois. » Les expéditions pour se procurer le bois seraient parfois de vraies aventures : « Une fois, on a trouvé un fût fossilisé, âgé de 3 100 ans, dans le Mer de Glace. Il a fallu le scier en deux pour pouvoir le transporter. »

Son fils Sabien l’accompagne lors de la plupart des excursions, s’il n’est pas sur la piste pour enseigner le ski : « Mon fils est moniteur de ski, comme moi, mais en été il produit des couteaux avec moi, » nous dit Didier Simond, « voilà deux boulots parfaitement complémentaires. » Le fils semble aimer la coutellerie tout autant que son père, et le dicton selon lequel le plaisir que l’on prend à faire une chose serait la clé du succès a été prouvé par bien d’autres dont les rêves se sont d’abord réalisés dans un garage.

www.lechamoniard.com

Texte: Martha Miklin // friendship.is
Photos: Heiko Mandl // friendship.is

13 avril 2016

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